Affaire Eugénie Shakupeva et consorts C. République Démocratique du Congo. Constatations du Comité des droits de l'homme en date du 25 mars 2021. Communication No 2835/2016.
En 2016, les auteurs ont bénéficié d & apos; une aide pour préparer leur plainte. La plainte a ensuite été communiquée à la République Démocratique du Congo.
Comme il ressort des Constatations, les auteurs ont fait valoir que l & apos; état partie avait violé les articles 7 et 14 (par.1), examinés séparément et conjointement avec l & apos; article 2 (par. 3), ainsi que les articles 2 (par. 1), 3 et 26 du pacte. Ils ont réclamé des réparations appropriées, notamment l & apos; exécution de la décision du tribunal Militaire du Sud-Kivu du 7 novembre 2011, ainsi que des soins médicaux gratuits, une réadaptation psychologique et des mesures de réinsertion sociale et économique. Il ressort également des Constatations que les auteurs ont subi des agressions sexuelles particulièrement graves, y compris des viols, de la part de représentants de l & apos; état, à savoir des membres de l & apos; armée congolaise (forces Armées de la République Démocratique du Congo), sous prétexte qu & apos; ils étaient des femmes des forces Démocratiques de libération du Rwanda (par.3.1 et 3.2 des Constatations).
Position juridique du Comité: les garanties énoncées à l & apos; article 7 [du pacte] prévoient non seulement l & apos; obligation d & apos; enquêter efficacement mais aussi d & apos; accorder une réparation adéquate (par.5.4 des Constatations).
Le non-paiement d & apos; une indemnisation, bien que le statut de victime soit expressément reconnu, réduit l & apos; impact des sanctions, crée un sentiment d & apos; impunité chez les personnes accusées d & apos; actes contraires à l & apos; article 7 du pacte et atténue l & apos; effet dissuasif du système pénal, ce qui porte atteinte à la confiance des victimes dans l & apos; efficacité de l & apos; enquête (par.6.2 des Constatations). Le Comité a rappelé son Observation générale No 31 (2004), dans laquelle il était notamment indiqué que l'article 2 (par.3) du pacte exigeait que les États parties accordent réparation aux personnes dont les droits énoncés dans le Pacte avaient été violés. Si un tel recours n & apos; est pas disponible, l & apos; obligation d & apos; assurer un recours utile, condition de l & apos; efficacité du paragraphe 3 de l & apos; article 2, n & apos; est pas remplie.
L'accès à un tribunal prévu à l'article 14 (par.1) du pacte restera spéculatif si, au détriment de l'une des parties, une décision judiciaire définitive et contraignante n'est pas exécutée, de même que [et] l'exercice par les autorités compétentes des voies de recours lorsque celles-ci sont accordées, comme prévu à l'article 2 (par. 3 c) du pacte (par. 6.3 des Constatations) restera spéculatif.
Le Comité rappelle que la violence sexuelle touche principalement les femmes, que les femmes sont particulièrement vulnérables en période de conflit armé interne et international et que, pendant ces périodes, les États doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les femmes contre le viol, l & apos; enlèvement et d & apos; autres formes de violence sexiste. En particulier, les États doivent garantir aux victimes de violences sexuelles un accès effectif à la justice, y compris des mesures de réparation adéquates. Ces mesures sont d & apos; autant plus importantes dans les situations d & apos; après conflit qu & apos; elles empêchent les victimes de viol collectif d & apos; être à nouveau victimisées, comme C & apos; est le cas en l & apos; espèce (par.6.4 des Constatations).
Évaluation par le Comité des faits: il a été relevé que les auteurs alléguaient que l & apos; état partie avait violé l & apos; article 7 du pacte en n & apos; ayant pas versé l & apos; indemnisation accordée par les tribunaux nationaux en 2011 après avoir été reconnus victimes de viols massifs. Le Comité a noté en outre qu & apos; en 2015, les auteurs avaient engagé une procédure d & apos; exécution en vue d & apos; une décision d & apos; indemnisation et avaient ordonné à l & apos; état partie d & apos; effectuer les paiements correspondants. Cependant, après plus de cinq ans, aucune indemnité n & apos; a été versée aux auteurs.... En l & apos; absence d & apos; objection de la part de l & apos; état partie, le Comité a accordé l & apos; importance voulue aux allégations des auteurs et a considéré que les faits dont il était saisi constituaient une violation de l & apos; article 7, examiné séparément et conjointement avec l & apos; article 2 (par.3) du pacte (par. 6.2 des Constatations).
Le Comité a noté que, bien que le tribunal Militaire du Sud-Kivu ait confirmé l & apos; octroi d & apos; une indemnité aux auteurs, ils n & apos; avaient pas encore pu faire appliquer cette décision. L & apos; état partie n & apos; a pas expliqué pourquoi, plus de neuf ans après l & apos; arrêt rendu par la cour le 7 novembre 2011, les auteurs n & apos; avaient jamais reçu d & apos; indemnisation.... Le Comité a constaté que le non-respect par l & apos; état partie de la décision susmentionnée constituait une violation des droits garantis aux auteurs par l & apos; article 14 (par.1), lu conjointement avec l & apos; article 2 (par. 3) du pacte (par. 6.3 des Constatations).
Le Comité a noté que les auteurs affirmaient que le non-paiement par les autorités nationales de l & apos; indemnisation qu & apos; elles avaient accordée en tant que victimes de viols massifs n & apos; avait fait qu & apos; aggraver la systématisation de la violence à l & apos; égard des femmes et la stigmatisation des victimes de violence sexuelle dans la culture congolaise, ce qui était contraire aux articles 3 et 26 du pacte... Compte tenu des circonstances dans lesquelles des viols massifs ont été commis, dont les auteurs ont été victimes et qui ont été qualifiés de crimes contre l & apos; humanité par les tribunaux nationaux de l & apos; état partie, ainsi que de l & apos; inexécution totale des décisions judiciaires d & apos; indemnisation des auteurs et de l & apos; absence de réaction de la part de l & apos; état partie, le Comité a estimé que l & apos; état partie avait aggravé leur situation d & apos; extrême vulnérabilité ainsi que la stigmatisation et la marginalisation dont ils étaient victimes en tant que victimes de violences sexuelles. En outre, le refus de l & apos; état d & apos; indemniser les femmes victimes de violence aurait pu signifier l & apos; autorisation tacite ou l & apos; encouragement de telles actions, ce qui a aggravé leur vulnérabilité. Le Comité a donc conclu que l & apos; état partie ne s & apos; était pas acquitté de l & apos; obligation qui lui incombait de protéger les auteurs contre la discrimination fondée sur le sexe en vertu des articles 3 et 26 du pacte (par.6.4 des Constatations).
Conclusions du Comité: les faits font apparaître une violation de l & apos; article 7, examiné séparément et conjointement avec l & apos; article 2 (par.3), de l & apos; article 14, lu conjointement avec l & apos; article 2 (par. 3) et des articles 3 et 26 du pacte.